Duo Jean-Pierre Baston et François-Michel Rignol

Duo Orgue & Piano

Ce concert met en regard des oeuvres de Bach et celles de même format de trois compositeurs romantiques.

Il n’a pas fallu plus de quelques décennies après la mort de Bach pour que sa musique qui semblait à ses contemporains trop complexe et somme toute démodée suscite un enthousiasme renouvelé. Mendelssohn en 1829 dirige enfin la Passion selon St Matthieu oubliée depuis 100 ans et donne des récitals faisant entendre l’oeuvre d’orgue; Liszt joue aussi sa musique et réalise de nombreuses transcriptions ; quant à Franck, l ‘oeuvre de Bach est la base de son travail de professeur d’orgue au conservatoire de Paris.

Mais c’est surtout leur plume de compositeurs qu’ils trempent dans la discipline et les jeux de contrepoint du père Bach; loin d’imiter une musique ancienne, ils prouvent en plein romantisme l’actualité et la richesse de son écriture et de sa pensée musicale ; Il est remarquable que chaque pièce jouée au piano comporte une fugue; mais surtout pour ces 3 grands mystiques, Bach est celui par qui et pour qui chaque oeuvre est acte de foi et parcours métaphysique.

C’est ainsi que le prélude et fugue de Mendelssohn écrite au chevet d’un ami mourant s’ouvre par un prélude agité, suivi d’une fugue recueillie qui s’anime peu à peu pour déboucher sur un choral plein d’espérance et le retour en majeur du sujet de la fugue.

Le diptyque « fantaisie et fugue » de Liszt s’appuie sur la célèbre cellule de 4 notes déduite en notation allemande de BACH ( si bémol , la, do, si bécarre ); c’est une oeuvre écrite en 2 versions l’une pour piano l’autre pour orgue dans lesquelles Liszt exploite la virtuosité spécifique à chaque instrument; c’est la version pour piano qui sera jouée et l’on n’entendra pas aujourd’hui celle d’orgue , l’instrument de Vinça ne se prêtant pas, stylistiquement, à ce répertoire romantique.

Dans ses 2 triptyques pour piano, Franck, grâce à l’exemple de Bach, trouve une forme originale en 3 mouvements qui n’est pas celle d’une sonate classique. « Prélude Choral et Fugue» magnifie la lutte entre le bien et le mal , le doute et l’espoir, la souffrance et la consolation; le magnifique thème du choral céleste reparait en une émouvante conclusion qui assure la rédemption après les divers tourments des deux premiers mouvements et la longue supplication de la fugue.

Par un remarquable effet de miroir, l’oeuvre originale de Bach en retour dévoile son caractère visionnaire. C’est pourquoi en regard de ces oeuvres de piano, données par François-Michel Rignol, nous avons souhaité faire entendre quelques grandes pages de la musique d’orgue de Bach, retour aux origines, en quelque sorte, sur le très bel orgue de l’église de Vinça. Orgue français certes, cependant bien convaincant dans la musique baroque allemande.

Jean-Pierre Baston a choisi des oeuvres écrite en grande partie dans le caractère dit « fantasticus d’Allemagne du nord : traits lancés et brillants, déclamation et rhétorique poussées très loin, caractère faussement improvisé, demandant une attitude de liberté de jeu à l’interprète. Tout cela est manifeste dans les pièces introduisant la fugue (Toccata, Fantaisie). Cette virtuosité / déclamation renvoie pour une part à Liszt : le début du Prélude sur BACH n’est-il pas, clairement, fantasticus ? Mentionnons aussi, du point de vue du rapport à la musique de Liszt, le langage très chromatique et modulant, chargé du point de vue de la rhétorique, de la Fantaisie en sol mineur BWV 542. Une théorie évoque ici la crucifixion, tandis que la fugue (bâtie sur une vieille chanson flamande), serait la résurrection. Rien n’est établi à ce sujet mais l’image est belle. Au final, la présence de Bach planera, en quelque sorte, tout le long du concert.