Orgue de Saint-Guilhem

L’orgue Jean-Pierre Cavaillé de Saint-Guilhem-le-Désert

Historique de l’orgue, extraits de la présentation de Frédéric Muñoz, titulaire de l’orgue de l’abbaye de Gellone

De récents travaux d’archives ont démontré que dès 1782, Jean-Pierre Cavaillé était présent à Saint-Guilhem en vue de la construction de l’orgue commandé par les moines de l’abbaye de Gellone.

Dès 1783, le budget de l’abbaye connaît de nouvelles lignes de crédit concernant le traitement de l’organiste, l’entretien de l’orgue, puis le traitement du souffleur. En 1790, le positif n’est toujours pas construit, mais les moines indiquent à ce moment-là le versement d’un acompte de 600 livres au facteur d’orgue qui, pourtant, s’éloigne de la région pour la Catalogne où il avait épousé en 1767 Marie-Françoise Coll, laissant ainsi l’orgue de Saint-Guilhem inachevé : « le jour de Pâques 1789, 18 jeux sur les 27 prévus marchaient ». Seuls le buffet du positif, son clavier et 9 trous pour les tirants de registres furent préparés à partir de 1783, on note la présence à Saint-Guilhem de J. Laffond qui fit sans doute partie de l’équipe des constructeurs de l’orgue et qui fut organiste du nouvel instrument. Dès 1792, l’orgue est menacé de refonte pour la récupération de l’étain. Le citoyen Laffond sauve alors l’instrument en jouant des airs révolutionnaires aux commissaires venus effectuer la saisie. A la restauration du culte en 1804, on voulut affecter l’orgue à l’église Notre-Dame-des-Tables à Montpellier. Laffond intervient à nouveau et changea sur les documents officiels le nom de Saint-Guilhem par celui de Saint-Thibéry, et ce fut ainsi l’orgue construit par Dom Bedos de Celles qui prit le chemin de Montpellier. En 1818, l’orgue de Saint-Guilhem est encore convoité pour être expédié à Lunel, mais la supplique de la population auprès du préfet sauva une nouvelle fois l’instrument.

Par la suite, l’orgue sera peu joué ; et le presque oubli dans lequel il sombra, ainsi que la pauvreté de la paroisse, lui évitèrent les inévitables transformations du 19e siècle romantique.

Lors de la première guerre mondiale, Félix Raugel découvrit l’orgue en état et le remarqua comme étant exceptionnel. En 1941, l’abbé Anthérieu, curé de la paroisse, décida d’un projet de restauration financé par la prime de démobilisation des hommes du village. Maurice Puget fera le relevage et l’inauguration fut confiée à Joseph Roucairol qui, par la suite, resta toujours très attaché à cet instrument. Après divers travaux dans l’église, et grâce à l’enthousiasme de quelques passionnés (J. Roucairol, le docteur Bernat) ainsi qu’à un don du Lion’s Club, un véritable relevage est réalisé en 1968 par Alain Sals. L’orgue est alors inauguré par Michel Chapuis. A cette époque, plusieurs disques furent enregistrés. Cependant le positif de dos restait désespérément vide et muet. Aussi, dès 1971, et sous la houlette de Monique Bernat, l’association « Les Amis de Saint-Guilhem » organisent une saison musicale ayant, entre autres buts, la construction du positif.

En 1974, l’orgue est classé Monument Historique et le projet d’Alain Sals est retenu. Grâce à l’Etat, le Département, la Commune et l’association, les travaux d’achèvement de l’orgue sont enfin envisageable. En 1981, le buffet est entièrement restauré par la maison Férignac. Outre le positif, la Commission Supérieur des Monuments Historiques se prononce pour une restauration des trois soufflets cunéiformes : ils seront repaussés à neuf et pourront éventuellement être actionnés à la main comme à l’origine. Les travaux achevés, le positif est garni de sa tuyauterie, harmonisé par Alain Sals. L’orgue ainsi restauré sonne dans la plénitude de ses 27 jeux lors de l’inauguration par Odile Bailleux en octobre 1984.

Présentation de l’orgue et dernières restaurations

Le buffet est à deux corps : le grand orgue en mître et le positif en V. Il est richement sculpté dans le bois de tilleul et les panneaux sont en noyer. La tuyauterie n’ayant jamais été recoupée, l’orgue est resté au diapason ancien (La3 à 415 Hz), ce qui est fort rare. Le tempérament restitué par Alain Sals est directement inspiré du traité de Dom Bedos, proche du mésotonique. Les claviers sont d’origine, en ébène pour les touches et en os pour les feintes.

L’orgue de Saint-Guilhem présente certaines particularités dont la présence d’un cromorne au clavier du grand orgue, placé dès la construction par Jean-Pierre Cavaillé entre la trompette et le clairon. De plus, le clavier du récit comportant l’unique jeu de cornet débute au deuxième sol, ce qui augmente les posssibilités de ce troisième clavier. En fait, sachant qu’il ne terminerait pas l’orgue, Jean-Pierre Cavaillé a sans doute voulu offrir un maximum de possibilités. Le pédalier comporte 18 marches comme cela était en usage pour les orgues de couvents, exactement l’étendue requise pour des œuvres comme la Messe pour les Couvents de François Couperin. C’est un pédalier dit « à la française » décrit dans le traité de Dom Bedos.

L’orgue de Saint-Guilhem est un instrument typé, riche en sonorités savoureuses et caractéristiques de l’esthétique baroque française. Outre de nombreux concerts permettant aux plus grands organistes de le faire vivre et magnifier la beauté de ses timbres, l’instrument se fait entendre toute l’année lors de visites de nombreux groupes d’amateurs d’orgues ou de professionnels. Il sert les offices dominicaux sous les doigts de deux titulazires, Materne Lehn et moi-même, notre rôle étant de le faire chanter et aimer au plus grand nombre.

De nombreuses parties de l’orgue de Jean-Pierre Cavaillé n’avaient en fait jamais été restaurées, en particulier les sommiers dugrand orgue, du récit et de la pédale : c’est ce qui a été fait par l’atelier Sals, une nouvelle fois choisie pour cette présente restauration.

La tuyauterie ancienne a également été entièrement revue, la montre attaquée par la lèpre présentait de nombreux « micro trous » qui furent colmatés par un vernis réparateur. Les anches également ont été entièrement règlées. En ce qui concerne la mécanique, la plupart des tiges métalliques fixées en bout des vergettes ont été remplacées, la rouille ayant œuvré hélas depuis 200 ans.

Tout l’orgue ancien est conservé dans ses moindres détails y compris les trois claviers qui sont d’origine (fait assez rare pour être signalé) et qui indique aussi combien l’orgue fut peu joué depuis sa construction.

Au cours de cette restauration suivie par Jean-Pierre Decavèle, technicien conseil et Pierre Perdigon, membre rapporteur, plusieurs questions furent soulevées.

Le tempérament de l’orgue retrouvé par Alain Sals par l’étude de la tuyauterie avait conduit dès 1984 à l’obtention d’un mésotonique assez tranché, proche de celui décrit dans L’Art du facteur d’orgue (6 tierces justes). Ce tempérament assez outré curieusement pour la fin du 18e siècle laissait perplexe… d’autant que nous trouvions l’existence d’un 1er do # au clavier et à la pédale. Ceci dit, la longueur de la tuyauterie confirme ce tempérament (fonds et corps des anches).

En janvier 2000, nous avons fait le voyage avec Alin Sals et Pierre Perdigon à Torroja del Priorat près de Tarragone où se trouve encore un excellent témoin de la facture de Jean-Pierre Cavaillé édifié en 1799, dix ans après Saint-Guilhem. La similitude de ce dernier est frappante au niveau des fonds , du jeu de tierce, des cornets et des pleins jeux. Seules les anches traitées à l’espagnole s’écartent un peu plus de l’esthétique Dom Bedos. Cet orgue présente un tempérament moins « poussé » que Saint-Guilhem et semble être d’origine (1er do# également). Au vu et à l’écoute de Torroja, et pour moins limiter le répertoire, il a été convenu à Saint-Guilheù de retoucher légèrement la partition en adoucissant sur ré# et sol #.

En ce qui concerne le positif, et comme s’en est expliqué Alain Sals lors du concert inaugural, l’harmonie proposée en 1984 avait parue à certains un peu forte par rapport au reste de l’orgue. De plus, la restauration des sommiers de l’orgue de Cavaillé engendre désormais un vent de meilleure qualité, plus vif et sensible qui améliore la sonorité de l’orgue, le contraste entre les deux plans s’estompant déjà. Alain Sals a repris cependant quelque peu l’harmonie du positif, surtout les fonds, jusqu’à modifier également les dessus de la mixture du positif avec un plafond plus bas, plus en sympathie avec le grand orgue. Tout cela aboutit à un positif plus calme et parfaitement équilibré désormais avec l’orgue de 1789…

…la route est encore longue pour cet orgue et pour ceux qui auront la joie de le faire chanter dans les temps à venir.

Frédéric Muñoz www.fredericmunoz.org

Frédéric Chapelet http://frederic.chapelet.free.fr/

La commune de Saint-Guilhem www.saint-guilhem-le-desert.com